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Battre les bords : opérances

Battre les bords : opérances

Une exposition conçue par AM Fohr, Thomas Guillot, Marine Lahaix, Matteo Locci, Anna Romanenko, Asli Seven, Mabel Tapia, Josh Widera et Stephen Wright.
Projet du DSRA, Document et art contemporain (ÉESI / ENSA Bourges)
Du 16 mai au 15 juin 2019
Vernissage le 16 mai 2019 à 18h
La Box, ENSA Bourges
du mardi au samedi de 14 h à 18h

  • Les Petits Déjeuners de la Box
    samedi 18 mai 2019 / 10h30
    découvrir l’exposition et échanger avec deux chercheuses du DSRA Marine Lahaix et Anna Romanenko autour d’un café et d’un croissant
  • Journée d’études : TUKTUKTUKTUKTUKTUKTUKTUK
    jeudi 13 juin - 14h-18h et vendredi 14 juin 9h30-17h

Dans le cadre du partenariat entre l’École européenne supérieure de l’image (Angoulême-Poitiers) et l’École nationale supérieure d’art de Bourges, le programme de troisième cycle, Document & art contemporain, investit la galerie La Box du 16 mai au 15 juin 2019. Le projet, qui se décline en trois volets — une mise en espace intitulée Battre les bords : opérances, deux journées d’études intitulées TUKTUKTUKTUKTUKTUKTUKTUK, ainsi qu’une publication — est conçu collectivement par AM Fohr, Thomas Guillot, Marine Lahaix, Matteo Locci, Anna Romanenko, Asli Seven, Mabel Tapia, Josh Widera et Stephen Wright.

Ce projet à La Box est l’occasion de rendre publique une année de recherches structurées autour du nœud conceptuel Opérances et d’en imaginer sa transformation.

Qu’entend-on par Opérances ? Notre agir, nos projets et nos récits historiques sont, à des échelles différentes, souvent évalués selon leur capacité à se montrer soit opérantes, soit inopérantes. D’une part, l’opérance souvent proclamée (parfois comme un vœux pieux), la sur-opérance de plus en plus exigée par la raison économique, ou l’hyper-opérance feinte par les instances du pouvoir, sont à relativiser face à l’apparente inopérance de tout projet d’émancipation aujourd’hui. Mais d’autre part, les algorithmes et autres appareils de capture de nos savoirs et usages ne semblent que trop opérants, soulevant forcément la question de la puissance paradoxale de l’inopérance. Ainsi, dans cette relation binaire, opérances et inopérances semblent définir notre monde, réduisant et renfermant le champ des possibles. Opérances serait une façon de désigner le dépassement de cette dichotomie pour ouvrir un espace de puissance. Dans un champ déterminé par des forces multi-directionnelles, ces opérances « agissent » de façon peu perceptible. Comment ces opérances peuvent-elles être repérées, caractérisées, voire pratiquées ? Qu’en est-il de l’opérances de nos désirs, de notre agir, de nos savoirs, de notre imaginaire ? Qu’en est-il de l’opérances de l’art ?

Une mise en espace

L’exposition revient sur ces questions en les ré-élaborant, offrant ainsi un aperçu sur la vie du programme — ses voyages d’étude, rencontres, conversations et autres déambulations — tout en mettant en jeu et en œuvre sa méthodologie expérimentale basée sur le jeu. Au gré des configurations et reconfigurations constantes, les bords du champ de jeu collectif et individuel ne cessent de se dessiner et se redessiner.

La série d’affiches et de cartes postales exposées, où se confrontent images et textes glanés au gré des déplacements du groupe aux bords des lieux référencés de l’art, sont d’ailleurs à comprendre en ce sens : des documents qu’on bat et rebat, les mettant et les remettant en jeu, afin d’engendrer des récits insoupçonnés, renouvelant à chaque fois le sens. Le jeu comme méthode, ou la méthode comme jeu : la démarche paraît improbable pour un programme de recherche, mais elle permet de mettre au diapason des subjectivités forcément et fortement divergentes, tout en puisant aux documents de nouveaux possibles. Cet esprit de jeu méthodique ou de méthode ludique est également sous-jacent à la vidéo collective réalisée pour l’occasion, Ça c’est… un hommage à Gilles Mahé (2019). Reprenant un protocole ludique expérimenté par Mahé dans les années 90, la vidéo met en jeu les images de l’exposition : les images s’empilent par terre les unes sur les autres, chacune étant activée à son tour par la parole d’un des joueur.e.s devenu.e.s narrateur.e.s, tout en restant hors champ et pour ainsi dire hors bord. Cette méthode ludique d’activation du document se veut à la fois heuristique et prospective, à l’instar même de l’exposition.

Deux journées d’études

Comme fin de partie, deux journées d’études, TUKTUKTUKTUKTUKTUKTUKTUK, seront organisées les 13-14 juin, dans un même esprit de jeu, avec enjeu. S’inspirant d’une œuvre de László Lakner, artiste conceptuel hongrois, rencontré à Budapest lors d’une dérive collective, TUKTUKTUKTUKTUKTUKTUKTUK reviendra une autre acceptation du jeu : en mécanique, le jeu est l’espace nécessairement laissé entre deux ou plusieurs pièces dans l’assemblage d’un mécanisme. Comme il est impossible de réaliser des éléments avec une géométrie parfaite, l’enjeu est d’incorporer ce jeu comme atout dans le fonctionnement. L’intitulé des journées exemplifie cet espace inframince du jeu dans la mécanique ludique des mots, car en répétant TUKTUKTUKTUKTUKTUKTUKTUK à haute voix pendant un moment, on remarquera qu’entre le K et le T s’ouvre inéluctablement un petit écart vocal où s’invite un nouveau son que personne ne saurait empêcher. Opérances ? Certes, mais peut-être plus et autre chose encore...

Une publication

La brochure qui accompagne le projet offre une autre perspective sur la méthode, le fonctionnement et surtout le style conversationnel du programme. Multilingue, comme le groupe lui-même, le cœur de la publication est un “cadavre exquis”, entrepris quelques semaines seulement avant le vernissage à La Box, qui fonctionne comme une sorte d’autoportrait collectif, décousu à dessein, mais en cela peut-être fidèle à la réalité d’une conversation à neuf personnes, où l’écoute est forcément partielle et les réponses parfois biaisées. Faisant fi au ton excessivement “sérieux” qui semble parfois caractériser la recherche en art, sans rien céder au coup d’allure gagnante qui risque toujours d’être un pseudo-coup. Il fait la gageure de proposer que dans le jeu de la recherche en art, s’il a toutes les chances d’être pipé comme ailleurs, il n’y a pas de hors-jeu.

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