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[exposition] Parodies : la bande dessinée au second degré, du 5 janvier au 24 avril 2011, Angoulême

Parodies : la bande dessinée au second degré

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Du 5 janvier au 24 avril 2011
Cité internationale de la bande dessinée et de l’image
121, rue de Bordeaux, Angoulême


Selon le spécialiste Daniel Sangsue, une parodie se définit par « la transformation ludique, comique ou satirique d’un texte singulier » ; en outre, la parodie « implique fondamentalement une relation critique à l’objet parodié ». Le procédé est aussi ancien que la bande dessinée elle-même, puisque les histoires en estampes de Rodolphe Töpffer parodiaient déjà le mélodrame, le voyage d’instruction ou le roman pastoral, autant de genres en vogue à son époque.

Longtemps, la bande dessinée a pu parodier les « arts majeurs » avec l’impunité d’une forme réputée mineure, dont on n’attendait pas qu’elle rivalisât avec eux. Cette position du cancre lui procurait somme toute un certain confort, une liberté de ton sans limites. La légitimité relative gagnée par ce que l’on appelle désormais, significativement, le neuvième art, a sans doute eu pour prix la perte d’une certaine innocence. Cette légitimité a été gagnée sur fond de (et sans doute en partie à la faveur de la) mise en cause des catégories du « majeur » (High Art) et du « mineur » (Low Art). Et la parodie, qui ne respecte rien, a pu contribuer au bousculement des hiérarchies conventionnelles.

Dans les années 1980, la bande dessinée française entra dans une phase intensive de recyclage, d’autoréférence, dont Yves Chaland (Captivant) puis le scénariste Yann (Bob Marone) furent les porte-drapeaux. On vit alors proliférer les récits parodiques prenant pour cible les « classiques » de la BD. Le nombre de parodies qui la ou le visent est un assez bon indicateur de la notoriété d’une œuvre ou d’un personnage, et de son impact sur l’imaginaire de l’époque. À ce jeu, Tintin et Mickey sont tout naturellement des cibles privilégiées. Les parodistes se sont amusés à travestir le style d’Hergé et de Disney ou à entraîner leurs personnages dans des aventures politiques ou érotiques qui ont parfois quelque peu bousculé leur image, suscitant les protestations des intéressés ou de leurs ayant-droits. Régulièrement, des bandes dessinées parodiques sont attaquées en justice pour atteinte au droit moral ou pour contrefaçon. Le « droit à la parodie » est plus que jamais un enjeu juridique.

Dans tous les domaines de l’art, le recyclage et le détournement des modèles sont aujourd’hui monnaie courante. Désormais, sitôt qu’un thème, une œuvre, un personnage gagne en surface dans le paysage culturel, il se décline à la fois sur le mode sérieux et sur le mode ludique ou satirique. Les fans eux-mêmes s’en emparent pour communier dans leur passion à travers l’hommage parodique, notamment sur Internet. La parodie, indiscutablement, est en phase avec une culture de masse diffusant et imposant des références partagées par tous ; avec la philosophie de la création qui est celle du postmodernisme, caractérisée par le métissage des formes culturelles, l’intertextualité généralisée et le recyclage ; et avec le genre d’esprit qui domine l’humour de notre temps, celui de la dérision. Pour toutes ces raisons, il m’a semblé opportun de dresser la cartographie de ce phénomène à travers un livre et une exposition qui, s’ils sont en large recouvrement, apportent aussi des aperçus complémentaires.

Thierry Groensteen
commissaire d’exposition